QUELLE PLACE POUR LES BIOTECHNOLOGIES EN AB ?


VIENT DE PARAITRE

En décembre 2023, l'ITAB vient de publier un dossier intitulé "Compatibilité de techniques de sélection et biotechnologies avec l'Agriculture et la Sélection Végétale Biologiques". Pour le télécharger, cliquez sur le lien suivant : ITAB Dossier #Semences | AB et NTG

Ce dossier ITAB traite des critères éthiques associés à la culture et la sélection végétale biologiques en ce qui concerne les techniques de sélection et biotechnologies. En particulier, il fait état du débat politique et règlementaire actuel autour des Nouvelles Techniques Génomiques (NTG). Un certain nombre de techniques est évalué au regard de critères basés sur le règlement européen de l'Agriculture Biologique, ainsi que les positionnements du Consortium Européen pour la sélection végétale biologique (Eco-PB) et la Fédération internationale des mouvements de l'AB (IFOAM-OI).


Introduction

Dans le domaine de la sélection, les biotechnologies végétales sont un ensemble de techniques de laboratoire qui permettent de modifier le phénotype (c'est-à-dire l’aspect physique des plantes) et/ou les mécanismes héréditaires. Pour cela, des agents physiques ou chimiques sont appliqués sur des organismes entiers, sur des tissus végétaux ou sur des cellules cultivées artificiellement.

Le plus souvent, ces techniques (ex. culture d’embryons, fusion de protoplastes[1], transformation génétique[2]) permettent de modifier génétiquement une cellule et de produire en série des plantes à partir d’une seule cellule (clones). Certaines espèces, comme les choux (chou-fleur, brocoli, endive), l’endive ou les Solanacées, «supportent» bien ces techniques.

Au delà des OGM qui sont clairement interdits, le questionnement sur la place pour les biotechnologies en AB a commencé en 2001, dans le cadre de l'association européenne pour la sélection biologique (ECO-PB) et a donné lieu à un dossier édité par le FIBL[3]. Ce document décrit les différentes techniques de sélection et discute des intérêts de chacune d'elles mais aussi de leur compatibilité avec les principes de l’AB et les conséquences qu’aurait leur interdiction en AB.

Au niveau français, dans les années 2000, le questionnement sur l'utilisation en AB de variété de choux hybrides à Stérilité Mâle Cytoplasmique (CMS) est soulevé par des producteurs et notamment des organisations bio bretonnes[4].

A quoi sert la CMS?

Cette technique est utilisée pour produire des variétés hybrides F1 chez quelques espèces, en particulier les choux: choux-fleurs, choux brocoli, choux cabus blancs et rouges, choux de Milan. Les endives (CMS provenant du tournesol) et les navets sont également concernés.

Une semence hybride F1 résulte du croisement de deux lignées parentales. Pour que la lignée femelle (lignée qui va porter la graine) ne s’autoféconde pas avec son propre pollen, la CMS peut être utilisée par les sélectionneurs. La lignée femelle ne produit ainsi théoriquement pas de pollen fertile, garantissant ainsi le croisement avec la lignée mâle (qui produit le pollen) cultivée à côté. La CMS existe naturellement chez certaines espèces comme la carotte ou le radis. Sur choux, elle a été transférée depuis le radis par fusion de protoplastes (brevet INRA-Ogura).

Le choix d'utiliser la technique CMS à fusion de protoplastes est stratégique pour les entreprises semencières mais n'est pas forcément un choix obligatoire. Il existe d'autres méthodes pour arriver à un résultat satisfaisant comme, par exemple, l’utilisation de l'auto-incompatibilité sur choux et chicorée endive. Certains semenciers conventionnels (ex. Bejo, Vitalis) ne proposent pas de choux CMS dans leur catalogue bio. L’inconvénient de l’auto-incompatibilité par rapport à la CMS est qu’elle ne fonctionne pas à 100 %, mais à 95 % environ, du fait de quelques autofécondations qui donnent souvent des légumes non commercialisables.

Il est aussi possible de faire le choix de sélectionner des variétés populations, ce qui est réalisé dans le cadre du programme de sélection participative sur choux au sein de la plateforme PAIS/IBB en Bretagne, ou dans le cadre du projet européen SOLIBAM sur brocoli

 

Différents positionnements

En juin 2008, considérant que:

- les techniques de fusion cellulaire sont des techniques de modification génétique selon la directive européenne sur les OGM (CE 2001/18) et selon la définition d’IFOAM (cf. www.ifoam.org),

- les modifications génétiques sont incompatibles avec les principes de l’AB,

- si ces techniques assimilables ou assimilées à des OGM sont utilisées en AB, cette dernière perd sa crédibilité et la confiance des consommateurs de produits biologiques,

l’assemblée générale d’IFOAM (Fédération Internationale des Mouvements de l’Agriculture Biologique) réunie à Vignola en Italie a adopté unanimement une motion stipulant que « (…)la fusion cellulaire, incluant la fusion de cytoplasme et de protoplastes, n’est pas compatible avec les principes de l’AB (…)»[5].

Plusieurs marques privées bio ont inscrit dans leur cahier des charges l’exclusion des variétés CMS (Biobreizh depuis 2002, Demeter depuis 2005, Naturland depuis 2008, Bioland depuis 2009, Biocohérence...), ainsi que certaines filières économiques (Biomas, Biocoop, Carrefour...).

D’autres organisations professionnelles revendiquent de pouvoir utiliser des variétés CMS issues de la fusion de protoplastes dans la mesure où l’actuel règlement européen de l’Agriculture Biologique (834/2007/CE) les y autorise. Pour certaines espèces ou certains créneaux, en chou-fleur ou en brocoli par exemple, l’offre en variétés non CMS est très restreinte voire inexistante à ce jour. Ces producteurs souhaitent avoir accès à une gamme variétale suffisamment large.

 



[1] les protoplastes isolés sont des cellules «nues», c.-à-d. des cellules dont la paroi cellulaire a été supprimée au cours d’un processus mécanique ou enzymatique.

[2] Modification du patrimoine héréditaire d’une plante (de son ADN nucléaire).

[3] Dossier Fibl N°2 (en collaboration avec l’ITAB, Le Louis Bolk Instituut, la Soil Association et Bioland), Techniques de sélection végétale: évaluation pour l’agriculture biologique, septembre 2001. Une nouvelle version est en cours d’actualisation.

[4] l’Association des Producteurs de Fruits et Légumes Biologiques Bretons (APFLBB/BioBreizh), l’Armorique Maraîchère/BIOMAS, Inter Bio Bretagne (IBB) et le Groupement d'Agriculture Biologique du Finistère (GAB 29).

[5] «L’assemblée générale 2008 d’IFOAM confirme que la fusion cellulaire, incluant la fusion de cytoplasme et de protoplastes, n’est pas compatible avec les principes de l’AB. C’est pourquoi nous incitons le bureau mondial d’IFOAM à développer une ligne de conduite sur la gestion des variétés dérivées de la fusion cellulaire, incluant les techniques de sélection par fusion de cytoplasme et de protoplasme». Cette motion a été portée par ECO-PB (Consortium européen pour la sélection végétale en AB), dont l’ITAB est membre du bureau.

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